En juillet, après plusieurs jours sur les sentiers du GR20, j’ai croisé la route de Michel. Un gars impressionnant ! Il faisait le GR20 à pieds nus. Je n’en revenais pas. Avant de partir, c’était la même discussion pour tout le monde ; quelle paire de chaussures prendre ? Et là, on croise Michel, tout « pénard » à marcher pieds nus sur ces sentiers mythiques.
En le voyant, la première chose à laquelle j’ai pensé c’est ; mais comment a-t-il fait pour que ses pieds tiennent le coup dans la partie nord ? Surtout les premières étapes, dont certaines sont véritablement de l’escalade… Ensuite, j’ai pensé à mes ampoules… J’ai commencé à en avoir dès les premières étapes et lui, ses pieds n’avaient encore rien 2 jours avant de finir le GR… Comme je l’ai dit : impressionnant.
Beaucoup de randonneurs l’ont croisé sur le chemin et ont posté des photos sur les groupes Facebook du GR. On pouvait donc, même sans l’avoir croisé, suivre ses aventures. Donc quand je l’ai vu au refuge d’Asinau, je me suis tout de suite dit qu’il fallait que j’aille lui parler et comprendre pourquoi il faisait ça… Un exploit sportif ? Pour sa foi ?
Ça tombe bien, tu vas le découvrir ! Je lui ai posé quelques questions…
Moi : « Est-ce que tu peux me dire comment tu t’appelles ?
Michel : « Michel. »
Moi : « Et tu viens d’où à la base ? »
Michel : « Bah moi je suis Alsacien. »
Moi : « Ah ouais. Et là, c’est quoi le projet en fait que tu es en train de faire ? »
Michel : « Bah là cette année, c’est faire le GR20, descendre en Sardaigne, Sicile et remonter à Rome. Pieds nus, tout le temps. Avec les deux-là [ndlr : ses deux chiennes]. La maman et la fille. »
Moi : « Pourquoi tu fais ça en fait ? »
Michel : « Parce que depuis 4 ans je ne peux plus travailler. J’ai trop d’arthrose, j’ai trop travaillé. Alors un jour, j’ai connu Saint-Jacques-de-Compostelle. Alors je me suis dit pourquoi ne pas faire Saint-Jacques de Compostelle pieds nus ? »
Moi : « Mais tu mets quelque chose [ndlr : sur ses pieds] ? »
Michel : « Non, rien du tout. »
Moi : « Rien ? »
Michel : « Non, je mets de temps en temps un peu d’argile. Après, je me suis dit comme je suis pieds nus souvent, je me suis dit pourquoi je ne ferais pas Saint-Jacques de Compostelle à pieds nus. Et j’ai fait 80% de Saint-Jacques pieds nus, puisqu’après c’était l’hiver quand même. On s’est pris 3 mois de pluie. Et après j’ai fait l’année dernière Genova-Rome à pieds nus. »
Moi : « Pieds nus encore. Et à chaque fois… c’est quelque chose de philosophique pour lequel tu fais ça ? Qu’est-ce que tu cherches par-là ? »
Michel : « En fait, le truc, c’est que depuis que je ne peux plus travailler. J’ai connu Dieu, sur Saint-Jacques et maintenant j’essaie d’aider les gens avec la Parole de Dieu et avec ma parole aussi, pour montrer aux gens qu’on peut faire plein de choses dans la vie. Avec le mental, l’esprit et le cœur. »
Moi : « Du fait que tu fasses tout ça à pieds nus, tu montres que le mental, c’est là que tout est quoi ? »
Michel : « J’explique aux gens que les montagnes on peut les monter sans problème. On peut les monter vite comme doucement et moi je l’applique aussi et ils ont vu les gens que je le fais aussi. Ce n’est pas seulement de la parole, c’est aussi je l’applique. Donc si je l’applique, je peux l’expliquer aux gens. Parce que si j’explique aux gens et que je ne l’applique pas, ça ne marche pas. Je le fais aussi. Je fais des montagnes en 1h30, je suis dans une bonne moyenne avec 28 kilos pieds nus. »
Moi : « 28kg tu portes ! »
Michel : « Je suis parti dans le nord avec 32kg. »
Moi : « Alors que quand on voit le Nord, c’est de l’escalade, ce n’est pas de la randonnée. »
Michel : « De l’escalade avec 32kg, pieds nus. Et la fille là [ndlr : l’une de ses chiennes], elle avait 4 kg de croquettes sur le dos. »
Moi : « Et pas encore de blessure depuis ? »
Michel : « Non, non, je me suis un peu cogné les doigts de pied. Ça, ce n’est rien. Là, j’ai fait un peu de hors-piste, trois jours. »
Moi : « Jusqu’à la chapelle. »
Michel : « Oui, j’ai été à la chapelle. »
Moi : « Et parfois tu contactes les pompiers. Ils t’amènent de l’eau. »
Michel : « Oui. »
Moi : « C’est sympa. Donc ils te suivent aussi… ? »
Michel : « Non, non. Je les ai appelés parce que j’étais perdu. En fait, j’ai pris un mauvais chemin, mais après, c’est Dieu qui m’a donné… »
Moi : « La voie ? »
Michel : « Non, pour voir si je sais le faire. »
Moi : « Ah, un challenge ? »
Michel : « Oui et donc je suis parti là-bas, on avait plus d’eau, donc il m’a fait appeler les pompiers. Mais après, il voulait aussi voir Dieu si j’allais partir avec les pompiers en bas ou si je restais dans la montagne. Et donc les pompiers voulaient me ramener en bas. J’ai dit : on va où ? Il m’a dit, on va là. J’ai dit non, ça ne m’intéresse pas. J’ai dit moi je repars sur le chemin, je repars en arrière. Je suis revenu au bout de 3 jours de promenade et demain on continue. »
Moi : « Et alors toi, ton histoire, c’est quoi ? Personnelle ? Tu viens d’où ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Comment tu es arrivé à faire tout ça ?
Michel : « Mais en fait, je n’ai pas eu de parents et après je me suis toujours démerdé tout seul, depuis l’âge de 8 ans. C’est là que je me suis dit, ce ne sont pas mes parents, j’ai une famille d’accueil. Et j’ai toujours travaillé. Ça fait 40 ans que je travaille et aujourd’hui, trop d’arthrose, j’ai une névralgique dans la tête, c’est compliqué. »
Moi : « Et tu faisais quoi comme boulot ? Un truc manuel ? »
Michel : « Bâtiment, cuisinier, barman, serveur, paysan, viticulteur, paysager, bucheron, hôtelier, et j’en passe. Mais aujourd’hui, je ne peux plus travailler. Mais le voyage, c’est bien. J’ai toujours travaillé, aujourd’hui c’est un peu les vacances. Avec eux là [ndlr : ses chiennes]. »
Moi : « Et tu vis des rencontres finalement, parce que c’est aussi comme ça ta nourriture… ? »
Michel : « Je fais l’aumône sur la route. On me donne et après moi je re donne aussi, à d’autres gens qui en ont besoin. Et quand je suis à Montpellier, je donne beaucoup à Montpellier ou sur la route.
Moi : « Mais tu es basé quand même quelque part ? »
Michel : « À Montpellier. Ça fait 20 ans que je suis à Montpellier, dans 1 mois, même pas 1 mois. J’étais patron aussi, j’étais autoentrepreneur. »
Moi : « Ah oui ? »
Michel : « Pendant 10 ans, mais comme on dit, l’arthrose… Et c’est pour ça que maintenant je voyage à pied. Et l’année prochaine, on verra, soit c’est le Tour de France ou alors on ira à Jérusalem avec l’Inde et toujours partant de Montpellier. »
Moi « Et toujours à pieds nus. »
Michel : « Et toujours pieds nus. »
Moi : « Trop bien. Est-ce que tu as envie de dire quelque chose pour terminer ? »
Michel : « Oui, ce que je veux dire, c’est que les gens, il faut qu’ils arrêtent de faire trop de matériel et penser un peu aussi aux autres. Tu sais, il y a plein de croyants qui se croient croyants, mais ils pensent qu’à eux-mêmes. Moi, je suis croyant depuis 4 ans et j’ai vraiment la foi. Je pense aux autres. Je fais beaucoup de prières pour les autres. Moi, le matin ou après dans la journée, je fais : esprit infini, ce qui doit me parvenir doit me parvenir, par les moyens parfaits, par le Saint-Esprit, Jésus Christ, notre Seigneur. Ce qui doit arriver dans la journée doit arriver. Si ce n’était pas mon jour, ce n’est pas mon jour, c’est comme ça. On ne peut pas tout avoir. C’est comme celui qui veut une maison et qui galère pour avoir une maison et que le jour où il a sa maison, et peut-être il ne sera pas heureux parce que ce n’était pas pour lui la maison, c’est un appartement ou autre. Donc il ne faut jamais insister sur quelque chose. Dieu est là, ce qui doit venir doit venir.
Moi « Merci beaucoup. Merci à toi et tu as quel âge ? »
Michel « Moi, 52 ans bientôt. »
Moi : « Allez, merci, c’est gentil. »
Tu en penses quoi ? Exploit ? Inconscience ? Dis-moi tout en commentaire.
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